ANFORM GUYANE N78

mai - juin 2018 • anform ! 63 supports racontent des histoires qui s’ouvrent sur d’autres histoires. Une bande dessinée qui parle d’animaux incite les enfants àaller au zoo. Sur place, ils voudront en savoir plus sur la façon de vivre de tel ou tel animal et iront dans les livres. Ensuite, les écoles et les bibliothèques doivent se donner les moyens d’inviter les auteurs locauxqui souvent savent se rendre disponibles. Si le jeune parle à l’écrivain, s’il a un bon feeling, il aura envie de lire ses livres. Pourquoi dites-vous que lire c’est grandir ? Quand je dis “grandir” ce n’est pas forcément dans le sens de croître, mais plus dans le sens de grandir sa vision du monde, grandir dans sa manière de penser afin de pouvoir affronter la vie avecdes arguments. Car lire permet de savoir débattre. Lire donne accès aux idées. Et surtout, il ne faut jamais oublier qu’après les souffrances de l'apprentissage arrive le bonheur de pratiquer... C'est vrai pour le vélo comme pour la lecture ! Pensez-vous que les adolescents ne lisent plus ? Bien au contraire. Mais ils ne lisent plus de la même façon. Ils lisent les messages sur leur portable, les paroles de rap ou de slam. J’ai 71ans et je me souviens qu’àla fin de mon CM2, seulement 30 % des élèves poursuivaient leurs études. Les autres partaient en apprentissage. Je ne suis pas sûr qu’ils maîtrisaient tous la lecture. Certains ont même désappris àlire. Non, la lecture n’est pas morte chez les jeunes, il y a même de plus en plus d’enfants qui y portent de l’intérêt, notamment les filles. Pour certains, la lecture est un outil vers l’indépendance, ou encore pour faire front à la solitude ou pour s’évader. Ce qui marche bien avecles ados ce sont les personnages des mytholo- gies. C'est pour cela que Harry Potter a fait la fortune de JKRowling. Pourquoi dites-vous qu’“Il faut une ville pour éduquer un enfant” ? Les parents doivent prendre leur place dans cet apprentissage mais pas seulement. Tout le monde a un rôle àjouer. Il faut une volonté poli- tique, une volontédes pédiatres qui sont en contact avecles parents, des associations et des enseignants. Je suis un fan de Célestin Freinet, pour qui l’enseignement des sciences ne se fait pas dans les livres mais dans la vie (promenades, rencontres…). Une école de la vie où l’élève cède la place à l’enfant. Nous sommes en 1925, Célestin Freinet est un précurseur et c’est pour cette raison qu’il s’est fait renvoyer de l’Éducation Les engins connectés sont-ils les ennemis de la lecture ? Tout est une question d’âge. Il ne faut pas commencer trop tôt à jouer sur les tablettes ou les téléphones. L’enfant doit d’abord maîtriser son environnement proche avant de passer à l’écran. Il doit maîtriser la fonction symbolique qui s’acquiert vers 6/7 ans. C’est aussi à cet âge-là qu’on entre dans la lecture. Et ce sont ces mêmes petits engins qui l’obligeront à lire et à écrire vers l’âge de 10/11 ans pour communiquer avec ses copains, mais aussi pour découvrir, par exemple, le dessin animé d’ Hercule . Ils incitent à la curiosité, c’est certain, mais laisse peu de place à l’imaginaire, à la différence d’un livre. nationale. Il emmenait ses élèves faire des reportages auprès des arti- sans et des paysans. Et quand ils rentraient en classe ils rédigeaient, imprimaient leur rencontre et ven- daient leurs petits livrets pour en faire d’autres. Sa seule philosophie était : quandl’enfant n’est pas que lecteur mais aussi acteur, ça change tout. D’ailleurs àla fin des années 1960, l’école Freinet est enfin reconnue comme école expérimentale par le ministère. Les parents lisent, pas les enfants. Pourquoi ? Parce que lire devant ses enfants ne suffit pas, s’il n’y a pas une discussion autour de cette lecture. Souvent il y a des désaccords sur les lectures et puis les enfants ne peuvent pas tou- jours être dans le plaisir. Ils doivent accepter aussi de faire certaines choses plus contraignantes qu’aller sur Facebook.C’est aussi auxparents d’inciter àla lecture, pourquoi pas en montrant d’abord le dessin animé puis ensuite le livre.