ANFORM GUYANE N77

46 anform ! • mars - avril 2018 un des auteurs de l’étude. Seule La Réunion se distingue par un grand nombre d’ivresses répétées (au moins trois) dans l’année, compa- rable à celui observé en Métropole. En revanche, certaines situations sont inquiétantes, comme en Nouvelle-Calédonie, où 20 % des enfants de 11 ans ont déjà bu de l'alcool, ou dans l’ensemble des territoires d’Outre-mer où le phé- nomène du binge drinking est, comme ailleurs, en augmentation. Pour une population qui, par son âge, se sent invincible, l’enjeu de santé associé au binge drinking est difficilement perçu. Or, là où les jeunes peinent à mesurer les effets de leurs comportements, de nombreux chercheurs réussissent, eux, à estimer les dommages et les conséquences de ces alcooli- sations massives express. Le projet européen AlcoBinge a réuni des chercheurs français et britanniques pour explorer cette thématique auprès d’une population étudiante et sur des modèles animaux. TOXIQUE POUR LE CERVEAU Des expérimentations sur des rats menées par le groupe Inserm de recherche sur l’alcool et les phar- macodépendances (université de Picardie) ont permis de montrer que deux épisodes rapprochés de binge drinking suffisent à perturber durablement “les processus d’ap- prentissage et de mémorisation”. Car au-delà du coma éthylique, que les jeunes ont bien identifié comme une situation d’urgence vitale, les atteintes neuronales sont le princi- pal risque. Une autre étude, au sein cette fois d’un groupe de 121 étu- diants âgés de 18 à 25 ans, met en lumière des difficultés cognitives tangibles, des difficultés pour les opérations mentales qui sollicitent la concentration, la mémoire et l’attention. Sans compter que l’al- cool est durablement toxique pour ••• le cerveau et ces “cuites” extrêmes multiplient les risques d’entrer dans l’alcoolisme. “Une ivresse, ce n’est pas une chose anodine” , résume Mickaël Naassila, directeur du groupe recherche sur l’alcool et les pharmacodépendances et président de la Société française d’alcoologie. “Le cerveaudes ado- lescents et jeunes adultes est en maturation et, par conséquent, pré- sente une plus grande vulnérabilité auxeffets de l’alcool. On s’aperçoit que l’hippocampe, impliqué dans la mémoire, est particulièrement touché. De même, on observe une altération de régions corticales impliquées dans la prise de déci- sions. Pire, cette exposition précoce et répétée favorise ladépendance à l’alcool à l’âge adulte” , met en garde le spécialiste. L’enjeu en terme de prévention est très clair : “retarder au maximum l’âge des premières consommations et des premières ivresses.” (1) Comment l’alcool détruit lajeunesse : la responsabilité des lobbies et des politiques (éditions Albin Michel), par Amine Benyamina et Marie-Pierre Samitier.

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