ANFORM GUADELOUPE N93
72 anform ! • novembre - décembre 2020 PAR BÉNÉDICTE JOURDIER Parce que cela se passe de l’autre côté des murs, avec des personnes coupables de toutes sortes de délits et de crimes, soigner en prison souffre de nombreux préjugés. Un médecin, un kinésithérapeute et une hypnothérapeute racontent leur expérience au centre pénitentiaire de Baie-Mahault. À huis clos des patients comme les autres ? Prison : © ISCTOK “L a première fois que je suis rentré, j’avais l’impression d’être dans une série. J’étais hyper-vigilant”, se souvient Frédéric Banet, kinésithérapeute. En cause, les multiples sas à traverser, les uniformes bleus des surveillants, le bruit des trousseaux de clés, la perspective des longs couloirs et les images véhiculées par des séries telles que Orange is the new black, Oz, ou encore The wire . Mais une fois les lieux et les règles apprivoisés, les barreaux sont oubliés et les personnes placées sous main de justice deviennent “des patients comme les autres” , affirme le Dr Pierrick Pollion, médecin chef de service de l’Unité de soins somatiques (USS) depuis 2017, au Centre péni- leur dette, certes, mais on a beau dire, c’est dur. Ici, ils sont obligés d’aller bien, mentalement et physiquement, car en lieu fermé, tous les défauts sont exacerbés. On devient leur bouffée d’oxygène”, souligne le kiné. Et c’est réciproque. Ancien judoka de haut niveau, Frédéric Banet apprécie parti- culièrement ces trois demi-journées par semaine au centre pénitentiaire, qui le changent de son activité libérale. “ Au cabinet ou à domicile, certains patients considèrent que nous sommes à leur disposition. J’ai bien conscience de l’importance des soins de confort, notamment pour nos seniors qui représentent l’essentiel de mon activité en libéral. Mais aller mieux, cela passe par l’exercice, et les détenus, eux, sont assez déterminés.” En milieu carcéral, Ma sante tentiaire de Baie-Mahault. “C’est ça qui est dingue ! Des contraintes ? Je n’en vois pas” , ajoute spontanément le kiné- sithérapeute. À vrai dire, Frédéric les a oubliées. Après 1,5 an d’intervention, il ne porte plus attention aux conditions carcérales. “Seul le médecin a le droit au téléphone. C’est le retour du papier et du stylo. L’avantage, c’est que je ne cours pas après l’équipe soignante, ni les ordonnances. Je travaille pour des gens volontaires qui respectent mon travail et ma personne.” C’est le concept de la méritocratie. BOUFFÉE D’OXYGÈNE Les femmes et les hommes incarcé- rés ici n’ont aucun intérêt à provoquer le personnel soignant au risque d’être privés de ces rendez-vous. “Ils payent
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