ANFORM GUADELOUPE N85
juillet - août 2019 • anform ! 67 alcoolisées dans leur cercle familial. Selon les familles, ce sera le vin, la bière, le rhum... Mais le marketing intensifie cet intérêt. Les études anglo- saxonnes qui se sont penchées sur l'impact de la publicité montrent qu'il incite les jeunes à débuter, ou, pour ceux qui sont déjà initiés, augmente leur consommation”, affirme Jacques- François Diouf. BIÈRE À LA MANGUE Les alcooliers utilisent donc tous les moyens à leur disposition. Certains produits sont entièrement pensés pour la jeunesse, depuis le goût jusqu'au packaging. Dans les rayons sont appa- rues des boissons plus sucrées pour masquer l'amertume qui rebute parfois les jeunes consommateurs : bière à la sucette, aux fruits, rosé au goût de chewing-gum ou au caramel... En 2017, Kronenbourg lance sa bière à la mangue ou au citron vert. Ces pro- duits sont affublés de noms originaux qui les démarquent du sérieux associé à la consommation des plus âgés : la “levrette”, le “belzebuth”, la “tête de mort”, etc. Les étiquettes et les embal- lages se sont parés de couleurs vives et de dessins caricaturaux. D'autres inno- vations tiennent du gadget, comme la bouteille fluorescente en boîte de nuit... Les alcooliers tirent également parti des médias internationaux, qui échappent à la loi Évin. Ils établissent des contrats, dont les montants sont souvent tenus secrets, avec des rap- peurs ou des stars de la mode. Ils placent des produits dans des séries ou des films. Dans Skyfall, le 23 e opus de James Bond, l'acteur Daniel Craig consomme ostensiblement de la bière Heineken. Depuis peu, les alcooliers pénètrent aussi les réseaux sociaux, et notamment Instagram, le plus plébis- cité par les 16-24 ans. En avril 2019, l'association Avenir Santé s'insurge contre les publicités éphémères qui se lancent avant ou au milieu des vidéos que les jeunes regardent sur Youtube. Elle note aussi que certaines sont insé- rées dans les “storys”, ces résumés en photos de la journée d'un utilisateur qui sont diffusés sur Instagram, Snapchat et Facebook. Or, selon une enquête Ipsos d'août 2018 commandée par Facebook, 62 % des personnes qui regardent ou publient au moins un contenu éphémère sur Facebook et Messenger s’intéressent plus à une marque ou à un produit après l’avoir vu dans une story. Pourtant, si la publicité est autorisée en ligne, celle-ci ne doit être, selon la loi, ni intrusive ni inters- titielle. Là encore, les promoteurs sont en infraction. Mais elle est difficile à constater. “Si ces publicités s’imposent àl’utilisateur avant une vidéo ou dans une story, il faudrait bien sûr les faire constater par huissier de justice…Mais leur côté éphémère (elles ne restent que peu de temps en ligne) rend très difficile l’opération… C’est très malin” , note l'association Avenir Santé. CONCERTS GRATUITS Sur le sol français aussi, les alcoo- liers s'ingénient à contourner la loi. Heineken anime ainsi la plateforme Green Room session, un site internet consacré aux musiques actuelles, aux couleurs de la marque mais... sans jamais la citer. Dans la même veine, RicardSA Live musique est une société qui lance de jeunes talents et organise des concerts gratuits. L'alcool est éga- lement présent dans les manifestations culturelles, sportives et festives, comme les bières locales sur le Tour des yoles, le Traditour... “Tous ces événements sont l'occasion d'associer une marque à une image jeune, dynamique, au plaisir du sport, de la fête ou de la musique” , souligne Jacques-François Diouf. Les domaines de production de rhum ne sont pas en reste. Ils organisent des sorties scolaires (donc destinées aux mineurs). On n'y sert pas de rhum et elles insistent sur les dimen- sions historiques et culturelles de cette industrie, prévoyant même des visites d'expositions artistiques sur les lieux. Depuis 2016 en effet, les références à la région de production, au patrimoine culturel, lié aux boissons alcooliques n'est plus considéré comme de la publicité.
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