ANFORM GUADELOUPE N85
6 anform ! • juillet - août 2019 rencontre ••• l'art engagé Son art interpelle, sensibilise, dénonce aussi. Jérôme Jean-Charles est un artiste sincère et engagé, à l’image de son œuvre monumentale Ma sourde oreille , implantée sur le rond-point de la Jaille. Une sculpture pour gommer les différences. PAR L’ASSOCIATION UKA (UNITED KARIBEAN ARTISTS) Quel est votre mode d’expression ? Si la sculpture est, depuis 2006, le mode privilégié de mon expression artistique, la rue est pour moi l’em- placement idéal de mes expositions. J’ai ainsi détourné certains axes rou- tiers, une ou deux places publiques, quelques espaces verts ou ronds- points en véritables galeries d’art ! J’ai fait découvrir la sculpture urbaine à des milliers de Guadeloupéens ! Tel un sursaut dans la monotonie du trajet, les œuvres finissent par faire réagir en réveillant les consciences endormies qui ne savent plus penser… Comment est né le projet Ma sourde oreille ? De ma première rencontre en 2013 avec le Serac (Association sourds entendants recherche action com- munication). Dans le cadre de leur événement annuel Art pi sourds , j’ai animé un atelier de sculpture auprès d’un public de sourds et malenten- dants. C’est à la suite de ces ateliers qu’a surgi l’idée de créer une œuvre monumentale en hommage à la com- munauté sourde de Guadeloupe. Qu'avez-vous voulu exprimer au travers de cette œuvre ? La sculpture représente une oreille entourée de fourmis porteuses de pancartes symbolisant un handicap. C’est un message de tolérance. La métaphore de l’oreille invite chacun à être à l’écoute des autres et de leurs différences. Au début, l’idée était de rendre hommage à la communauté sourde et malentendante en valori- sant la langue des signes.Mais au fil du temps, nous avons voulu étendre la portée du message à toutes les personnes porteuses d’une diffé- rence, visible ou non. Il reste encore beaucoup d’efforts à faire en matière d’accessibilité (villes, transport, admi- nistration, habitat…) et d’accès à l’emploi. Cette œuvre se veut un message d’espoir pour les années futures. Les usagers de l’association ont-ils été associés à cette sculpture ? Ils sont intervenus à toutes les étapes du projet ! Ils ont bien sûr été consul- tés pour la validation du projet. Il était primordial de les impliquer et que l’œuvre respecte leurs attentes. Pour la réalisation, ils ont travaillé sur la phase du dégrossissage du bloc d’andésite de 4 tonnes, pierre volca- nique qui a servi à fabriquer l’oreille. Il s’agissait de dégager la matière inutile et faire apparaître la forme brute. Pour la finition, les plus volon- taires sont intervenus sur le polissage. Ils ont aussi travaillé au découpage, pliage et assemblage des fourmis en alu, résine et tiges de métal gal- vanisé. Ils ont aussi été associés à la mise en scénographie. C’était un défi pour moi de parvenir à les manager et les impliquer.C’est aussi le partage d’un savoir-faire. Au début, j’étais accompagné par une interprète mais au fil du temps, j’arrivais à me faire comprendre en mimant et j’ai appris quelques signes. Comment cette œuvre a-t-elle été accueillie ? J’ai eu de très bons retours.C’est une première au niveau national qu’un rond-point soit dédié au handicap. Le giratoire de la Jaille nous paraissait être le lieu idéal pour toucher le plus Jérôme Jean-Charles,
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