ANFORM GUADELOUPE N116

|anform ! ◆ septembre - octobre 2024| 69 ◆ « Changer le code de mon téléphone » Estia, 21 ans, a vécu un contrôle excessif avec sa compagne. Leur entente est telle, au début, qu’elles partagent leurs codes de téléphone. Au bout de quelques mois, la lune de miel est ternie par les premières crises de jalousie. Les likes sur les photos de shooting d’Estia deviennent des motifs de conflits. « Quand elle voyait un like, elle m’interrogeait pour savoir qui c’était », peste la jeune femme. La tension va crescendo quand Estia surprend sa partenaire fouillant son téléphone. S’en suit une dispute « avec des mots très durs : tu es une bonne à rien, tu ne mets aucune barrière entre le pro et le perso », évoquet-elle encore amère. « J’ai pensé à changer le code de mon téléphone, mais j’avais peur que cela ne soit suspicieux et génère une nouvelle dispute », justifie l’étudiante. Même si elle indique ne rien avoir à se reprocher, la jeune femme accepte de se soumettre à la jalousie conjugale : « J’effaçais des conversations lambda, je lui montrais un message reçu quand elle le demandait. Je suis consciente que ce n’était pas juste de m’imposer cela, mais je voulais la paix et conserver notre relation », admet Estia. L'avis de la psy Sévrine Lysimaque s’insurge : « La jalousie n’est en aucun cas une manifestation d’amour, mais un signe d’insécurité. » Le partenaire n’a pas de maîtrise sur ce que voit et fait l’autre. Cela crée chez lui inquiétudes, doutes, interprétations. Pour lui, liker signifie tromper, car le partenaire accepte un intérêt donc une porte est ouverte. Il tend la perche pour autoriser à être séduit. Bon à savoir Le 3018, c’est le numéro national contre les violences numériques. Gratuit, anonyme, confidentiel, 7 j/7 de 9 h à 23 h (heures de Paris). ◆ « Si tu me quittes, je diffuse tout ! » Ces mots terribles claquent dans la tête de Moïna, 47 ans. Ces mots, ce sont ceux de son compagnon à propos d’une vidéo X réalisée avant de le connaître. « Une erreur de jeunesse », murmure-t-elle. Elle pensait cette histoire révolue. Pourtant, par hasard, « je retrouve dans les affaires de mon partenaire une clé USB avec cette vidéo », se souvient-elle. Questionné, il ne se démonte pas : « J’ai fait des copies. » Et une fois séparés, il met sa menace de revenge porn à exécution. « Il a créé un compte Whatsapp avec ma photo en profil. Comme il avait piraté mon téléphone, il a eu accès à mes contacts », s’émeut Moïna. Son ex envoie ainsi des captures d’écran de la vidéo compromettante à des contacts. La quadragénaire a tenu grâce à un entourage bienveillant, mais confesse « que c’était très dur mentalement ». L'avis de la psy Pour Sévrine Lysimaque, la diffusion de photos et/ou vidéos intimes sans consentement est une atteinte extrême à l’intimité. On brise quelque chose de sacré. S’en suivent harcèlement et jugements destructeurs. Selon elle, le revenge porn crée des ravages chez la victime : colère, tristesse, isolement, voire dépression, et troubles suicidaires. Pourquoi ce type de vengeance ? L’experte explique que, humilié d’être quitté, l’agresseur veut humilier à son tour : « Cela dénote un fonctionnement psychologique immature. » Selon elle, les réseaux sociaux sont à l’origine de ces fréquentes blessures d’abandon, car ils promeuvent une vision capitaliste de la société : l’avoir avant l’être. Le sentiment de possession chosifie, déshumanise l’autre. Dans l’Histoire, les femmes ont toujours été méprisées et jugées sur leur sexualité. Donc pour les insulter et les humilier, il est plus facile de tirer sur cette corde.

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