|Rendez-vous| 12|anform ! ◆ septembre - octobre 2024| Vulgarisation D’ailleurs, comme dans l’exercice quotidien de sa profession à l’hôpital, ce besoin de proximité se ressent dans le ton léger de « Sa ki ni Doc ? » : « C’est plus simple de soigner sa population. Le contact est plus facile. Tu as les codes [culturels]. Tu peux te permettre d’être davantage familier », résume le médecin. Et même s’il a dû faire une parenthèse hexagonale les 9e et 10e années « car il n’y a pas suffisamment de terrains de stages différents en Martinique », il s’est empressé de revenir au pays pour soutenir sa thèse (avec la mention Très honorable) et se marier en 2022. « Comme pour beaucoup de choses, ma femme a été un moteur. C’est elle qui m’a dit de me lancer pour Sa ki ni Doc ? » L’idée d’un espace de vulgarisation de messages de santé trottait, en effet, dans la tête de Clément Anin depuis plusieurs mois. Il s’était déjà essayé à l’expérience avec quelques vidéos sur le Covid, « pour informer factuellement, sans prosélytisme », insiste-il, encore marqué par le climat de défiance envers les soignants durant la pandémie. Lui qui admet « ne pas être fan de réseaux sociaux et détester le terme d’influenceur », a aussi été poussé par la pratique de son métier où « la majeure partie de mes patients ne se soigne pas et arrive dans des états critiques ». Susciter des vocations Si le jeune anesthésiste-réanimateur est satisfait du succès numérique inattendu de son compte, il préfère le contact humain et enchaîne les expériences sur le terrain. Une conférence devant un public de 500 personnes sur l’hypertension et le diabète à la demande d’une mutuelle ou présenter son parcours à des élèves lors d’une rencontre de l’Onisep2. Clément a « pris plaisir à montrer que tout est possible. Ça peut donner des vocations », espère-t-il. Il saisit toutes les opportunités possibles pour diffuser sa conception de la médecine. « Mon métier est de travailler avec des gens qui ne veulent pas être là », explique le médecin anesthésiste-réanimateur. C’est pourquoi « le ressenti et le vécu du patient sont importants ». Pour un sujet anxieux, Clément met en place des techniques comme l’hypnose conversationnelle « afin que le patient fasse abstraction de ce qui se passe autour et soit plus à l’aise ». « J’organise et assure la formation des internes », s’enorgueillit-il. Et d’ajouter : « Je suis très attaché aux relations interpersonnelles. » Aussi, dans ses cours sur le confort du patient, Clément insiste auprès des stagiaires qu’ils « ne sont pas que des techniciens, qu’ils ont des gens en face d’eux ». Selon lui, « on ne peut pas bien soigner sans avoir de considération pour le patient ». Évacuer Facétieux de nature, le jeune médecin n’hésite pas à recourir à l’humour au moment de poser une perfusion : « Attention, je vais vous taper un peu, mais ce n’est pas par méchanceté. C’est pour faire gonfler la veine ! » Et d’avertir : « pa alé di ni on moun ki bat ou lopital ! 3 » Ou alors : « votre cœur bat vite… vous allez tout péter ?! » Des moments de détente cruciaux pour les patients, mais aussi pour Clément : « C’est un métier dur, avec beaucoup de responsabilités où une erreur est vite arrivée. D’ailleurs, l’anesthésieréanimation compte parmi les spécialités avec le plus fort taux de suicide. Pour évacuer, je confie mon ressenti et mes émotions à ma femme. » Le médecin reste un humain aussi. 1 Chagrin d’amour, ici mal du pays. - 2 Office national d'information sur les enseignements et les professions. - 3 N’allez pas colporter que vous avez été agressé à l’hôpital ! © DR « On ne peut pas bien soigner sans avoir de considération pour le patient. »
RkJQdWJsaXNoZXIy MTE3NjQw