ANFORM GUADELOUPE N110

14 | anform ! ◆ septembre - octobre 2023| Bruno Benjamin, l’œil sur les cyclones ◆ Par Boni Kwaku Devenu incontournable quand on parle cyclones, Bruno Benjamin a explosé médiatiquement en 2017. Pourtant, sa passion pour les forces de la nature remonte à son plus jeune âge et jalonne toute sa vie. « C’est gravé » , répète-t-il. Bruno Benjamin a une mémoire d’éléphant. Donnez-lui une année et il vous répond quel cyclone nous a frappés, sa tra- jectoire et les dégâts causés. Le cours de la vie du jeune quinquagénaire a défilé au rythme des dépressions tropicales, tempêtes et ouragans. Pourtant, les premières amours du médiatique prévisionniste ne sont pas les cyclones, mais les tremblements de terre. Soif de connaissance « En 1976, lors des événements de la Soufrière, mon grand-père revenait d’une visite chez le méde- cin. Il nous a dit que les voitures étaient couvertes de cendres. Puis, il y a eu les premiers séismes. Je découvrais les soubresauts de la nature » , se sou- vient l’Abymien d’origine (Guadeloupe). Âgé de 5 ans et intrigué, Bruno fait des recherches et découvre l’histoire de Pompéi et le Vésuve. Jusqu’au CM1, son métier rêvé est celui de vol- canologue. Mais c’était avant la rencontre avec le cyclone David, en 1979. En plus d’avoir inspiré une célèbre chanson à Ti Manno , la catastrophe naturelle a fait naître une vocation chez Bruno. Si le jeune passionné partage le même souvenir impérissable que le chanteur haïtien (sé-on mo- man lavi ke'm pa'p janm bliyé , c’est un moment que je n’oublierai jamais) l’issue est toutefois plus heureuse pour le Guadeloupéen que pour l’artiste (Chak fwa'm sonjé'l dlo koulé nan zye'm , à chaque fois que j’y pense, je pleure). Ce jour- là, le père de Bruno rentre du travail : « On aura un cyclone ! » Le passionné de pêche saisit l’occa- sion pour apprendre à son fils à coordonner des positions sur une carte de pointage. « 10° nord, 35° ouest… C’est ainsi que j’ai fait mes premiers pas pour pointer David » , se rappelle Bruno. Une soif de connaissances de famille. « J’aime me re- pérer dans l’espace et dans le temps. Ma mère est prof d’histoire-géo » , déclare-t-il. C’est ainsi que toute son enfance est marquée par des événe- ments qui alimentent sa passion à étudier nos cieux. « En 1989, je me rappelle la préparation à l’arrivée d’Hugo. » La voix de son père résonne dans sa tête : « Va démonter l’antenne. Occupe-toi des chiens. » Bruno sourit, nostalgique. Puis, son visage devient grave. « Vers 19 h, ce sont les pre- mières rafales. On a peur, on se calfeutre. » L’eau coule « comme un robinet » à travers les fenêtres. Les baies vitrées ploient « comme des feuilles de papier » sous le joug des vents. Les matelas au sol dans le couloir avec ses sœurs. Bruno n’a rien oublié. Surtout pas quand son père l’appelle pour voir l’œil du cyclone. « Un silence de 10 mi- nutes » , évoque-t-il les yeux dans le vague. | Rendez-vous |

RkJQdWJsaXNoZXIy MTE3NjQw