ANFORM GUADELOUPE N104
septembre - octobre 2022 • anform ! 85 © SHUTTERSTOCK Vos élèves subissent le climat anxiogène ambiant. Comment la danse devient-elle un outil d’apai- sement ? Le Covid a fait exploser les repères comportementaux. Je sens beau- coup plus de tensions, de troubles de la concentration, d’hyperactivité. Apprendre le bèlè, c’est danser devant ses camarades, assumer leur regard, se tromper, lutter pour apprendre un pas. C’est donc gérer ses émotions et s’exprimer sans conflit. Ils apprennent à canaliser leur énergie. Le bénéfice est-il général ? Tout à fait ! J’ai observé que les élèves répercutent ces apprentissages dans leur comportement en classe. Quand un petit camarade est en difficulté, ils savent se montrer sensibles et lui venir en aide. Ou, quand un adulte s’adresse à eux, ils savent être res- pectueux. Car le bèlè enseigne le respect des anciens. Observez-vous un changement dans leurs comportements ? Oui, je le vois à la récréation où ils courent moins. En classe aussi, leur posture est différente. L’attention est plus facile à avoir. La danse est un vrai exutoire. L’expression libre (même guidée) leur permet de décou- vrir leur corps, d’entrer en résonance avec lui. Les danses de tambours sont énergisantes et les enfants y sont particulièrement sensibles. Que je travaille avec de la musique enre- gistrée ou, quand c’était possible, avec un musicien et son tambour, les enfants vibrent. Ce sont des éponges. Ce moment d’expression corporelle leur permet de se libérer de leurs angoisses. L’initiation à cette danse tradition- nelle est-elle aisée ? C’est progressif. Il y a d’abord la phase de découverte où les élèves se familiarisent avec la musique, les instruments, les voix. Puis dans notre salle audiovisuelle, je leur montre des vidéos de danseurs. Enfin, le moment qu’ils attendent le plus : la pratique ! Nous dansons chaque semaine dans le gymnase municipal ou la salle polyvalente de l’école. Sans chaus- sures et foulards à la taille pour les filles ! La danse-thérapie, qu’est-ce que c’est ? Au-delà du simple divertissement, la danse inaugure un nouveau rapport au corps, au plaisir, à l’autre et à soi-même. En danse, le désir de maîtriser la technique prime. En danse-thérapie, la prise de conscience et l’expression de soi sont visées pour être renforcées. Il n’y a pas d’apprentissage. Comme la danse-thérapie ne repose pas sur la performance, il n’y a pas d’échec et tout le monde en retire des bénéfices singuliers : le corps devient l’instrument qui apprend à être bien dans sa peau, à sortir de sa tête. Dans la danse-thérapie, on recherche cette partie de soi qui veut renouer avec la joie de vivre. Les pratiquants souhaitent réveiller leur énergie, redécouvrir le plaisir de la danse, de la convivialité. Pour la plupart, le corps se transforme, devient léger, dynamique et joyeux. Chacun trouve ce qu’il lui manque. On se libère de tensions et de blocages inscrits dans la mémoire du corps. Sur le plan physique, la danse-thérapie améliore la circulation, la coordination et le tonus musculaire. Sur le plan mental et émotif, elle ravive les capacités intellectuelles et la créativité. Elle permet de rencontrer des émotions parfois difficiles à exprimer verbalement (colère, frustra- tion, sentiment d’isolement). Enfin, la danse-thérapie est particulièrement indiquée chez les personnes inhi- bées. Son efficacité a aussi été reconnue dans les hôpitaux. Elle aide les malades à retrouver l’estime de soi. Et ça marche vrai- ment ? Absolument ! Tout le monde adore ! Depuis 10 ans, mes ateliers de bèlè entrent dans le cadre d’un projet péda- gogique transversal de 7 semaines qui touche autant l’édu- cation physique et sportive, l’histoire, la géographie que l’éducation morale et civique. L’inspectrice de circons- cription a été emballée dès le début, et y a vu un bel espace d’expression pour les enfants. J’aime transmettre et c’est un privilège de pouvoir semer de petites graines. On apprend aux enfants à faire fi des différences. Ils découvrent une autre partie du patri- moine français. Cela me rapproche d’eux, car je suis leur “maîtresse qui danse les pieds-nus”.
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