ANFORM GUADELOUPE N102
6 anform ! • mai - juin 2022 rencontre ••• Dr Joëlle Otz, Guadeloupéenne de 35 ans, est cancérologue à l’Institut Curie (Paris). Dans un service où métastases et rechutes font partie du quotidien, elle place l’empathie au cœur de son protocole de soins. Et, lorsqu’elle enlève sa blouse, elle devient Barone, chanteuse de zouk et de RnB ! PAR BONI “ J e reviens d’un footing.” Encore sous l’effet de l’adrénaline, Joëlle Otz, docteure en oncologie- radiothérapie, est tout sourire. Le sport tient une place importante dans sa vie, pour décompresser. L’inscription unique mais forte de son tee-shirt blanc annonce la couleur : L’amôur. “Je suis une amoureuse de la vie !” , dit-elle. Elle met de l’amour et de la passion dans tout ce qu’elle entre- prend. À commencer par son travail de praticienne spécialisée au Centre de lutte contre le cancer à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine). “J’aime le contact humain. C’est sans doute pour cela qu’en 3 ème , j’ai hésité entre médecine, sociologie, ethnologie et anthropolo- gie” , confie-t-elle. Lors de son cursus de médecine, l’empathie n’était pas prédominante. Mais au-delà des livres, c’est sa vision personnelle qu’elle impose au quotidien. “Un patient ne se résume pas à une patho- logie. Il faut aussi prendre en compte son rapport à celle-ci, l’impact psy- chologique provoqué, le soutien ou pas de la famille.” Dans sa pratique, l’approche doit être globale pour plus d’efficacité : “Tu ne traites pas une radio ou une prise de sang. Tu traites un être humain !” Raison pour laquelle elle accorde beaucoup de place à la parole. Plus elle échange avec ses patients, plus elle en apprend sur eux. De petites choses qui souvent per- mettent de mieux ajuster la relation. Relation d’autant plus importante à choyer pour la docteure, car l’image du service est négative par définition. “On parle de cancer, de chimiothéra- pie, de radiothérapie. Des traitements très agressifs pour des maladies parfois incurables. Pour moi, la prise en charge d’un malade, c’est 50 % de soins et 50 % de psychologie.” Sang-froid Si cette approche humaniste de la médecine est liée à sa personnalité, la jeune docteure a aussi bénéficié, lors de son internat à l’hôpital de Brest, d’ateliers de mises en situation. “Nous jouions avec des acteurs, soit le rôle du patient, soit celui du médecin.” Grâce à ce module obligatoire, la native de Pointe-à-Pitre (Guade- loupe) a pu s’exercer aux annonces de pronostics graves. “Cela m’aide énormément et me permet de désa- morcer les tensions. Je fais attention à être dans un endroit calme, les bras décroisés, assise au même niveau que le patient.” Des éléments qui peuvent sembler anodins, mais qui font toute la différence. La voix posée, il faut prendre son temps, respecter le silence qui pèse après une nouvelle grave. “Le patient est souvent dans un état de sidération. C’est aussi la raison pour laquelle je demande à ce qu’il soit accompagné d’une personne de confiance. J’essaie parfois de propo- ser un deuxième rendez-vous” . Il est, en effet, important pour l’oncologue- radiothérapeute de s’assurer que le patient ait bien compris le compte- rendu et le parcours de soins proposé. “Je reste très attentive et oriente si besoin vers des soins de support (prises en charge de la douleur, dié- tétique/nutritionnelle, psychologique, sociale, familiale, professionnelle, NDLR)” . Ce n’est pas toujours facile, mais la docteure a suffisamment de distance et de sang-froid pour prendre du recul. “La colère du patient est souvent un mécanisme de défense. Il suffit juste de gratter pour voir ce qu’il y a derrière et bien souvent le problème est réglé”, précise-t-elle avec sérénité. Docteure Otz reconnaît volontiers que soigner est une vocation. La révéla- tion, elle l’a eue au cours d’un stage Joëlle Otz, dans le cœur des malades
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