ANFORM GUADELOUPE N101

6 anform ! • mars - avril 2022 rencontre ••• Auteure de Tropiques toxiques , Jessica Oublié ouvre les consciences et dénonce la réalité de la pollution à la chlordécone. Pour s’exprimer, elle a choisi la bande dessinée. Rencontre. PAR BÉRENGÈRE MERLOT “ J ’ étais dans le métro, quand j’ai vu, en 2015, une affiche du festival Quai des Bulles de Saint-Malo. Une mouette disait : “On va bien rigoler !” C’était comme si elle m’invitait : “Viens me voir… Et si ce que tu avais à raconter devait se faire en BD ?”” C’est ainsi que Jessica Oublié se tourne vers la bande dessinée documentaire, après des études d’histoire de l’art. À l’issue d’une formation au Cesan, une école de BD parisienne, naît son premier roman graphique. En février 2018, fraîche- ment installée en Guadeloupe, Jessica découvre le scandale de la chlordé- cone. Dès lors, elle se lance dans un travail de création documentaire, une recherche à sa manière, émaillée de dessins, afin d’informer sur une réalité de santé publique, restée longtemps tue. Tropiques toxiques est le fruit d’un fabuleux travail coloré, composé de pas moins de 136 interviews. Pouvoir de l’image C’est la première fois que la chlordé- cone est abordée en BD. C’était une évidence pour Jessica. “Après avoir vu le pouvoir de transmission et de mise autour de la table de publics très dif- férents qu’a la bande dessinée, ça ne faisait aucun doute que j’allais racon- ter la chlordécone en BD.” D’un genre engagé, la BD documentaire témoigne du réel pour le commenter. “Plus le sujet est complexe et plus l’image a un rôle à jouer pour compenser ce que le mot ne peut pas apporter en matière de projection. L’image a un pouvoir incroyable pour transpor- ter les lecteurs vers un champ des communs.” À la question de savoir ce qui l’anime, Jessica explique que c’est avant tout un besoin profond et personnel. Celui de comprendre pour- quoi et comment la Guadeloupe et la Martinique sont aujourd’hui contami- nées par un pesticide très persistant, à cause de l’exploitation intensive de la banane. “Six petites lettres pour six cents à sept cents ans de résidus d’un poison ingurgité chaque jour.” “Nous vous proposons une expérience d’immersion dans la matière même de cette histoire, afin que vous revêtiez à votre tour des lunettes d’enquêteur, vous octroyant ainsi le droit, ou plutôt le devoir, d’aller voir au-delà des discours établis, pour enfin voir par vous-même ce qui se trouve de l’autre côté du miroir.” Outil pédagogique La BD s’est révélée être un très bon outil pour développer des apprentis- sages sur la chlordécone en milieu scolaire. À Pointe-à-Pitre, le collège Nestor de Kermadec a proposé à Jessica de réaliser un hors-série du journal de l’établissement, Bouger l’@ncre. 28 élèves de 3 e se sont livrés Jessica Oublié planche sur la chlordécone

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