ANFORM GUADELOUPE N100

88 anform ! • janvier - février 2022 bien-etre ••• Croyance PAR GWÉNOLA HAYOT Aux malchanceux, “soucoué-cor, démaré cor, allé pran an bon ben lanmè, an bon ben démaré !” . Le bain démaré est un rituel ancré dans la tradition magico- religieuse. On le prend “pour se laver du mauvais sort, du maléfice ” Le jour du nouvel an, il purifie de l’année passée et donne de la chance pour celle à venir. Du moins, à ceux qui y croient, car cette pratique n'a rien d'une médecine. La tradition “bain démaré” du “C ertaines per- sonnes veulent s’agripper à vous pour prendre votre chance. Ça vous empêche de travailler, de réussir, donc il faut se débarrasser de ça, il faut se démarrer de la personne” , explique Isabelle, ven- deuse d'herbes sur le marché. Lorsque la déveine persiste, on dit qu’on est “marré” par quelqu’un qui vous veut du mal ou par la malchance. Il faut conjurer le sort, redonner un sens à sa vie, faire revenir la chance. On doit se “démarer”. Le rituel du “démarage” consiste en un bain de mer qu’on prend à des dates précises : le premier ven- dredi du mois, un vendredi treize, un jour pair, un jour de pleine lune, ou le jour de l’an. “C’est selon les croyances de chacun.” À L'EMBOUCHURE D'UNE RIVIÈRE Le bain se passe dans la mer, plus précisément à l’embouchure d’une rivière. C’est un lieu très symbolique puisque le pouvoir purificateur de l’eau est dit plus puissant à cet endroit. “On appelle ça l’entre deux eaux ou les eaux découpées. Le mélange d’eau douce et d’eau salée a un effet positif. L’eau de la rivière, en descendant, a rencontré pas mal de plantes et charrie tout leur pouvoir. Quand on a pris un bain là, on ne se rince pas.” Dans les récits d’époque, on trouve des simi- litudes entre les pratiques d’antan et celles d’aujourd’hui. L’eau de mer certes, mais aussi des macérations de feuilles avec lesquelles on se lave lors du bain. […] “Des feuilles de raquette ou de cassia alata ou herbe à femme qu’on mélange avec de l’eau de fontaine, de l’eau de source et de l’eau de coco, une poignée de sel et l’eau de trois passages en rivière contre le mal […]*” . Sur les marchés d’aujourd’hui, il faut venir avec sa liste pour avoir les plantes nécessaires. Une liste établie par un “séancier” ou “quimboiseur” , une connaissance, ou même soi-même, si on est déjà initié. À LA CROISÉE DES CHEMINS Le rituel est adaptable car si on n’a pas la mer à proximité, on peut aussi prendre un bain chez soi dans lequel on rajoute du gros sel. Certaines boutiques vendent des préparations

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