

avril - mai 2017
•
anform !
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© ISTOCK
PAR ANNE DEBROISE
Elizabeth Parrish, PDG de l'entreprise américaine Bioviva, s'est fait
injecter une solution pour effacer la trace du temps dans ses gènes.
Est-ce bien sérieux ?
“B
i o l o g i q u e -
ment, je suis
redevenue une
personne de
20 ans”
, clame Elizabeth Parrish,
dont la carte d'identité affiche
pourtant 45 ans. Le 22 avril 2016,
l'entrepreneuse américaine annon-
çait être la première personne au
monde ayant rajeuni grâce à la
thérapie génique. Elle faisait ainsi
la promotion de l'entreprise qu'elle
a créée en 2014 et qu'elle dirige
depuis. Sa start-up, basée dans
une modeste maison de Seattle, se
propose de développer des traite-
ments pour régénérer les muscles
et les tissus. Les solutions sur les-
quelles elle travaille trottent depuis
des décennies dans la tête des
adeptes du transhumanisme qui y
voient un des moyens d'améliorer
l'espèce humaine. Et de lui faire
accéder, sinon à l'immortalité, au
moins à plusieurs centaines d'an-
nées d'espérance de vie. Ils fondent
notamment leurs espoirs sur les
télomères.
RÔLE DES TÉLOMÈRES
Les télomères ont été découverts
en 1984 par des chercheurs amé-
ricains auxquels ils ont valu de
recevoir, en 2009, le prix Nobel de
médecine. Les télomères sont les
extrémités de nos chromosomes,
ces pelotes d'ADN enroulées en
forme de X stockées dans les
noyaux de nos cellules. Ils pro-
tègent le programme génétique
des cellules. Quand nos cellules
se divisent, elles dupliquent leur
ADN. Mais lors de la duplication,
la pelote d'ADN s'effiloche aux
bouts : les télomères raccour-
cissent.
“Chez l'homme, au cours
de la vie, les télomères diminuent
de taille jusqu'à ce que les cellules
entrent en sénescence”
, explique
Michel Charbonneau, responsable
de l'équipe “télomères et stabilité
du génome” à l'université de Tours.
Quand, avec l'âge et la succession
des duplications, les télomères sont
trop courts, la cellule commence à
mal fonctionner, puis meurt. Les
tissus, faits de cellules, vieillissent
et les organes fonctionnent moins
bien. Le raccourcissement des télo-
mères serait un des mécanismes
expliquant le vieillissement et des
maladies de l'âge. Dès leur décou-
verte, les télomères sont devenus
une cible privilégiée des différentes
approches anti-âge. Si on parvenait
à les rallonger, ne pourrait-on pas
stopper le vieillissement ? De nom-
breuses recherches, très sérieuses,
ont été lancées sur la question. On
a notamment découvert que notre
corps fabrique naturellement une
enzyme, la télomérase, dont le tra-
vail consiste justement à retricoter
les télomères après la duplication
de l'ADN. Celle-ci n'est cependant
active que chez l'embryon. Évidem-
ment, on a cherché des moyens de
la réactiver chez l'adulte. Et on a
réussi ! En 2012, Maria Blasco, une
chercheuse du Centre de recherche
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Les tissus vieillissent
et les organes
fonctionnent
moins bien. Le
raccourcissement
des télomères serait
un des mécanismes
expliquant le
vieillissement.