

octobre - novembre 2015
•
anform !
89
nutrition
La nutrigénétique
La nutrigénétique est beaucoup moins avancée.
“On sait
que chaque personne est différente génétiquement, et on
commence à comprendre quelles sont les variations géné-
tiques qui expliquent la réponse des individus aux nutriments.
L’idée c’est de proposer, dans environ une dizaine d’années,
des recommandations nutritionnelles plus personnalisées.
On pourra dire à un individu : “vous, vous assimilez mal la
vitamine C, il faudrait que vous en consommiez plus que
d’autres.””
En arrivera-t-on à la nutrition adaptée àchaque
individu ?
“Peut-être pas,
répond le Pr Borel.
Car il y a énor-
mément de facteurs qui affectent la réponse individuelle aux
aliments. Des recommandations à l’échelle de populations
ou de groupes ethniques paraissent plus réalistes.”
Ainsi les
Indiens réagissent moins bien que les Eurasiens àla prise de
graisse en la stockant essentiellement autour des viscères.
C’est pourquoi ils souffriraient plus facilement de
diabète. Un léger surpoids pouvant suffire àdéclen-
cher la maladie. Une alimentation spécifique adap-
tée à leurs gènes pourrait contribuer à empêcher
son développement.
“Un de nos projets actuels
concerne la vitamine A,
explique le Pr Borel.
Il
existe toujours une déficience en vitamine A
dans de nombreux pays en voie de dévelop-
pement, tuant des milliers d’enfants chaque
année. Pour le moment, les recommanda-
tions de supplémentation ne tiennent pas
compte des caractéristiques génétiques
propres à chaque groupe ethnique. Le but
est de trouver le dosage et la formulation
qui leur sont adaptés.”
sont moins touchés par cer-
taines maladies. Donc, dans
notre laboratoire, nous essayons
de comprendre les mécanismes impli-
qués,
explique le Pr Borel.
Qu’est-ce qui protège et com-
ment ?Un des objectifs est de faire des alicaments, des sup-
pléments nutritionnels qu’on trouve en pharmacie. On peut
ainsi consommer du lycopène, présent notamment dans les
tomates ou certains fruits rouges, car des études ont montré
qu’il protège du cancer de la prostate. Idem avec la lutéine,
que l’on retrouve dans les épinards, et qui protège de la
dégénérescence maculaire liée à l’âge.”
Un autre exemple
est celui de la vitamine A, essentielle au fonctionnement
du système immunitaire, qui a des effets nutrigénomiques
connus et est utilisée comme supplément pour traiter cer-
taines pathologies.
“Mais il y a des milliers de molécules
dans l’alimentation. On est plutôt avancés sur certaines et
on ne connaît pratiquement rien sur d’autres. Donc il y a
encore beaucoup à faire”,
ajoute le Pr Borel.
La nutrigénomique
L’intérêt fondamental de la nutrigénomique est de mieux
comprendre le rôle des aliments sur la santé. L’alimenta-
tion influence l’expression de nos gènes, en stimulant, ou
au contraire en inhibant, l’expression de certains d’entre
eux. Ce sont essentiellement les micronutriments comme les
vitamines, les oligoéléments, les minéraux, les acides gras
essentiels, ou des composés naturellement présents dans les
plantes qui ont une influence sur nos gènes. Le processus
est complexe. Par exemple, dans certains cas, des micronu-
triments viennent se greffer sur des protéines qui permettent
l’activation des gènes. Ils fonctionnent alors comme des “in-
terrupteurs” et modifient leur niveau d’expression. D’autres
micronutriments peuvent marquer l’ADNpar l’ajout de grou-
pements chimiques. Ces marquages modulent égale-
ment l’expression des gènes mais sans
en modifier le contenu génétique.
“On s’est par exemple rendu
compte que ceux qui mangent
beaucoup de fruits et légumes